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André Comte-Sponville

Teoksen Great Virtues tekijä

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Tietoja tekijästä

Andre Comte-Sponville is one of the most important--and certainly the most popular--of the new wave of young French philosophers. Now in his early forties, he teaches at the Sorbonne & is the author of five highly acclaimed scholarly books of classical philosophy as well as the widely popular "A näytä lisää Small Treatise on the Great Virtues", which spent 14 months on the French bestseller list & is being translated into 19 languages. Comte-Sponville lives in Paris. (Bowker Author Biography) näytä vähemmän

Tekijän teokset

Great Virtues (1996) 639 kappaletta
The Book of Atheist Spirituality (2006) 572 kappaletta
The Little Book of Philosophy (2000) 155 kappaletta
Le Bonheur, désespérément (1999) 85 kappaletta
L'amour, la solitude (1996) 48 kappaletta
Dictionnaire philosophique (2001) 39 kappaletta
La Sagesse des Modernes (1998) 37 kappaletta
La plus belle histoire du bonheur (2004) 27 kappaletta
Ni el sexo ni la muerte (2012) 26 kappaletta
Impromptus (1996) 25 kappaletta
La philosophie (2005) 18 kappaletta
L'être-temps (1999) 15 kappaletta
De l'autre côté du désespoir (1997) 12 kappaletta
Une éducation philosophique (1989) 11 kappaletta
Pensees sur la mort (1998) 9 kappaletta
Invitación a la filosofía (2012) 8 kappaletta
La felicidad, desesperadamente (2018) 5 kappaletta
Sobre el cuerpo (2010) 5 kappaletta
El placer de vivir (2011) 5 kappaletta
Pensees sur la morale (1998) 5 kappaletta
Pensées sur l'amour (1998) 5 kappaletta
Pensées sur la sagesse (2000) 4 kappaletta
Cinsellik, Ask ve Olum (2013) 4 kappaletta
Sex: Eine kleine Philosophie (2015) 4 kappaletta
Du corps (2009) 4 kappaletta
La vie humaine (2005) 4 kappaletta
Buyuk Erdemler Risalesi (2012) 4 kappaletta
A filosofia 3 kappaletta
Liebe: Eine kleine Philosophie (2014) 3 kappaletta
L'ànima de l'ateisme (2007) 3 kappaletta
Contre la peur 2 kappaletta
Mutlulugun En Guzel Tarihi (2005) 2 kappaletta
Felsefe Nedir? (2022) 2 kappaletta
Ni el sexo ni la muerte (2000) 2 kappaletta
A Vida Humana (2007) 2 kappaletta
Pensées sur la connaissance (1998) 2 kappaletta
Pensées sur le temps (1999) 2 kappaletta
Pensees sur l'art 2 kappaletta
Pensees sur la politique (1998) 2 kappaletta
El capitalismo, ¿es moral? (2022) 1 kappale
Que le meilleur gagne (2022) 1 kappale
Pensees sur l'atheisme (1999) 1 kappale
Kis kyv a nagy eryekr (2004) 1 kappale
Pensées sur la liberté (1998) 1 kappale
Montaigne y la Filosofía (2008) 1 kappale
La Felicidad 1 kappale
Pensées sur l'homme (2000) 1 kappale
Felsefeyi takdimimdir (2006) 1 kappale
El alma del ate�smo (2014) 1 kappale
Viver 1 kappale

Associated Works

Höflichkeit. Tugend oder schöner Schein? (1997) — Avustaja — 4 kappaletta

Merkitty avainsanalla

Yleistieto

Jäseniä

Kirja-arvosteluja

“¡Qué feliz sería si fuese feliz! Estas palabras de Woody Allen quizá dicen lo esencial: que estamos separados de la felicidad por la misma esperanza que la persigue. La sabiduría, al contrario, sería vivir de verás, el lugar de esperar vivir. En esa dirección apuntan las lecciones de Epicuro, de los estoicos, de Spinoza, o, en Oriente, de Buda. Solamente tendremos una felicidad proporcional a la desesperación que seamos capaces de atravesar. La sabiduría es exactamente eso: la felicidad, desesperadamente.” André Comte- Sponville.… (lisätietoja)
 
Merkitty asiattomaksi
Natt90 | Jul 20, 2022 |
Written by a very smart but generally ignorant French philosopher. This book seeks to appropriate the Christian virtues into the atheist's mindset. It's decent to read for insights into the Virtues, but for the most part it's a waste of time.
 
Merkitty asiattomaksi
CodyMaxwellBooks | 5 muuta kirja-arvostelua | Oct 30, 2021 |
> Babelio : https://www.babelio.com/livres/Comte-Sponville-Dictionnaire-philosophique/240598
> BAnQ (Le devoir, 12 janv. 2002) : https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2807744

> DÉSIRER C’EST SE CONVERTIR AU MONDE. — André Comte-Sponville a fait paraître un "Dictionnaire de philosophie" (éd.PUF) salué par la critique comme un chef d’oeuvre. Vous pouvez lire ci-dessous un grand entretien avec l’auteur sur le thème du Désir.

Nouvelles Clés : Commençons par une remarque étymologique : le mot désir vient du latin desiderare - de sidus, étoile - qui dans la langue des augures évoquait une sorte de constatation : l’absence d’un astre, accompagnée d’une forte idée de regret (alors que considerare, c’est contempler l’astre présent). Le désir serait ainsi de l’ordre d’un manque dont on fait l’expérience douloureuse...
André Comte-Sponville : Auquel cas le désir, dans sa temporalité, n’aurait guère le choix qu’entre la nostalgie (le manque du passé) et l’espérance (le manque de l’avenir). Car le présent, lui, ne manque jamais... Mais n’allons pas trop vite. L’étymologie, en l’occurrence, correspond à la définition la plus usuelle du désir : il serait un manque. C’est une définition qui traverse toute l’histoire de la philosophie. Pour la prendre en ses deux pôles, en son origine et en son terme au moins provisoire, c’est aussi vrai chez Platon que chez Sartre. Chez Platon, le texte de référence, c’est Le Banquet. Ce dialogue porte sur l’amour et non pas sur le désir, mais cela revient au même : quand Socrate prend à son tour la parole, à la question :
“Qu’est-ce que l’amour ?”, il répond en substance : l’amour est désir et le désir est manque. “Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour.” Cette définition du désir comme manque va courir à travers toute la tradition philosophique pendant plus de vingt siècles, jusqu’à Sartre, qui écrit dans L’Êre et le Néant que “l’homme est fondamentalement désir d’être” et que “le désir est manque”.

Le désir ne manque de rien

C’est une définition qui semble vraie, dans la mesure où très souvent, peut-être le plus souvent, nous désirons en effet ce que nous n’avons pas, ce qui nous manque. Une définition qui n’est que souvent vraie est une définition fausse. Définir le désir comme manque n’est donc juste que si, et seulement si, tout désir est manque. Or, il nous arrive très souvent de désirer ce qui ne manque pas... J’en donnerai deux exemples. D’abord l’appétit, et plus précisément le plaisir de manger de bon appétit. Il y a une différence entre la faim et l’appétit, que bien des dictionnaires philosophiques méconnaissent, comme si l’appétit aussi était un manque, comme si on ne désirait manger que lorsqu’on a faim, que lorsqu’on manque de nourriture ! Alors que l’expérience que nous avons de manger de bon appétit, c’est justement le plaisir de manger quelque chose qui ne manque pas, puisqu’on le mange, mais dont on jouit. Quand vous souhaitez bon appétit” à vos convives, cela ne veut pas dire que vous leur souhaitez de bien manquer de nourriture, mais au contraire que vous leur souhaitez de pouvoir jouir de la nourriture qui ne leur manque pas !
Deuxième exemple, la sexualité. J’ai grand peine à concevoir le désir sexuel comme un manque : c’est l’impuissant, la frigide ou le frustré qui manquent de quelque chose, pas les amants comblés et dispos qui sont en train de faire l’amour ! Si vraiment nous ne pouvions désirer que ce que nous n’avons pas, notre vie sexuelle serait encore plus compliquée qu’elle n’est... Faire l’amour, c’est désirer l’homme ou la femme qui est là, qui ne manque pas, qui se donne, dont la présence (non l’absence ou le manque) nous comble. Mon expérience intime de la sexualité n’est pas du tout du côté du manque ! Ou bien il faudrait penser que ce qui manque ce n’est pas l’amant ou l’amante, mais l’orgasme... Quelle tristesse ! Si c’était vrai, la masturbation ferait aussi bien l’affaire... Lorsqu’on boit un bon vin, ce n’est pas parce qu’on a soif, ce n’est pas parce que ce vin nous manque. Si je désire écouter Mozart, ce n’est pas parce qu’il me manque (le désir esthétique est très clairement un désir sans manque), c’est parce que je l’aime, ce qui est très différent.
La définition du désir comme manque me paraît fausse, puisqu’elle n’est vraie que souvent et qu’une bonne définition doit être vraie non pas souvent mais toujours. Platon et Sartre ont donc tort, et c’est heureux. Car si cette définition du désir comme manque était vraie, le désir nous vouerait à l’ennui et à l’insatisfaction. Si le désir est manque, je ne peux en effet désirer que ce que je n’ai pas. Or, qu’est-ce que le bonheur ? Platon nous répond (mais Kant dira la même chose) qu’être heureux, c’est avoir ce qu’on désire... Mais si le désir est manque, on ne désire par définition que ce qu’on n’a pas ; on n’a donc jamais ce qu’on désire, si bien qu’on n’est jamais heureux. C’est une expérience que nous faisons souvent. Tantôt je désire ce que je n’ai pas, et je souffre de ce manque, tantôt j’ai ce que dès lors je ne désire plus, et je m’ennuie. Comme le dit Schopenhauer, en bon platonicien qu’il est : “Ainsi toute notre vie oscille comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui”. Souffrance, parce que je désire ce que je n’ai pas, et que je souffre de ce manque ; ennui, parce que j’ai ce que dès lors je ne désire plus... Si bien que nous avons une définition fausse, puisqu’elle ne vaut pas pour tous les désirs, et pernicieuse, puisqu’elle nous voue à la frustration ou à l’ennui, et donc au malheur. Si la vie est une alternance de frustrations et d’ennuis, le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas une vie heureuse !

Le désir est puissance

Bref, j’avais deux raisons de chercher une autre définition : une raison théorique, puisque les définitions de Platon et de Sartre me paraissaient fausses, et une raison pratique, puisqu’elles me semblaient nous vouer au couple infernal de l’ennui et de la frustration. Il fallait donc chercher une autre définition : je la trouvai chez Spinoza, chez qui le désir n’est pas manque, mais puissance. Puissance de jouir et jouissance en puissance. Ou, pour être un peu plus précis, puissance de jouir et d’agir : puissance de jouir et jouissance en puissance, puissance d’agir et action en puissance. Comme le disait déjà Aristote dans le De Anima (III, 10), "il n’y a qu’un seul principe moteur, la faculté désirante” : le désir est l’unique force motrice, ce pourquoi Aristote rattache au désir et le courage et la volonté (De Anima, II, 3). J’en suis d’accord avec lui, et ce m’est une raison de plus pour ne pas réduire le désir au manque. De quoi manque le courage ? De quoi manque la volonté ? Le désir n’est pas un manque. Le désir est une force, l’unique force motrice, en effet, ce qu’on pourrait appeler, dans un langage plus spinoziste, l’unique puissance active. Ce mot de puissance m’intéresse pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il est au plus près de l’expérience érotique : au sens où l’on parle de puissance sexuelle. Un amant heureux, une amante heureuse n’ont pas besoin d’être frustrés sexuellement pour avoir envie de jouir de l’homme ou de la femme qu’ils aiment ou qu’ils désirent. Mais c’est aussi un mot philosophiquement décisif. Dans la problématique spinoziste, ce mot de puissance en prolonge trois autres : le conatus, qui est l’effort de tout être pour persévérer dans son être, qui prend chez un être vivant la forme de l’appétit et chez un être conscient la forme du désir (que Spinoza définit comme “l’appétit avec conscience de lui-même”). Enfin, penser le désir comme puissance, me permettait aussi de faire le rapport entre la tradition philosophique classique, spécialement chez Spinoza, et celles de Freud et de Marx. Ce qui permet de donner son maximum d’extension au concept freudien de libido, c’est justement qu’il ne se cantonne pas au manque : le désir agit, y compris quand il n’y a pas de manque à combler ! Et chez Marx, la notion d’intérêt de classe n’est pas non plus forcément référée à un manque. Je disposais donc d’un concept, celui de désir, qui me permettait de faire le lien entre Spinoza, Marx et Freud, et en un sens aussi avec Épicure et Lucrèce (autour des notions de clinamen et de voluptas). J’étais ainsi au cœur d’une constellation philosophique dans laquelle je me reconnais et qui m’est chère.Ma définition du désir, c’est qu’il n’est pas un manque : il est une puissance, une force, une énergie, il est l’expression en nous du conatus, c’est-à-dire de notre puissance d’exister, d’agir et de jouir. S’il apparaît souvent comme manque, ce que je ne conteste pas, c’est que cette puissance d’exister, d’agir et de jouir fait très souvent l’épreuve de la frustration, si souvent qu’on a fini par croire que c’était là son essence.
N. C. : Si l’on pense le désir comme puissance d’exister, en tant qu’il sera accroissement de notre puissance ne s’accompagnera-t-il pas alors de joie ?
A. C. -S. : Si on reprend cette problématique spinoziste, l’essence de tout être est sa tendance à persévérer dans l’être, son conatus, qui prend la forme de l’appétit chez un être vivant, et du désir chez l’homme. Ce désir, c’est la tendance à exister plus, la puissance d’exister le plus possible, et quand cette puissance est satisfaite, quand en effet nous existons davantage, nous éprouvons un affect particulier que Spinoza appelle la joie, et quand, au contraire, nous existons moins, nous connaissons la tristesse. Si bien que si “le désir est l’essence même de l’homme”, comme dit Spinoza, il est de notre essence de désirer la joie. Bien loin que mon essence me voue au manque, et donc à l’alternance mortifère d’ennui et de frustration, elle me voue au contraire à la joie ! C’est la formulation spinoziste du “principe de plaisir” : jouir et se réjouir le plus qu’on peut, souffrir le moins qu’on peut. La conceptualisation spinoziste du désir permet ainsi de donner un socle métaphysique au “principe de plaisir” freudien.
N. C. : Peut-on rapporter cette théorie du désir comme affirmation ou production à l’idée de détachement telle qu’elle apparaît dans le bouddhisme...
A. C. -S. : On trouve en effet dans le bouddhisme l’idée qu’il faut supprimer le désir... Si c’était absolument vrai, cela voudrait dire que le bouddhisme serait une pensée mortifère, disons du côté de la pulsion de mort. Ne plus désirer, si l’on suit Spinoza, ce serait ne plus être : le bouddhisme serait alors un désir de néant, à la lettre un nihilisme. C’est l’image qu’il a eue traditionnellement, qui a beaucoup fasciné le xixe siècle occidental, et qui encore aujourd’hui subsiste ici ou là... Freud, par exemple, a appelé “principe du nirvâna”, le principe qui tend à vouloir toujours réduire les tensions, et donc à désirer la mort. Dans Au-delà du principe de plaisir, texte fascinant, Freud nous dit que les deux pulsions de vie et de mort n’en font qu’une, qui est la pulsion de mort. De ce point de vue, mon ancrage spinoziste m’éloigne autant de cette vision du bouddhisme comme nihilisme que de la tendance qu’a Freud, parfois, à privilégier ontologiquement la pulsion de mort. Ce que je crois, s’agissant du bouddhisme, c’est qu’en vérité lorsque le Bouddha parle de supprimer le désir, il pense au désir comme manque, à ce qu’il appelle la soif, qui est bien un manque, au même titre que la faim. Or, comme je vous l’ai dit, ce n’est pas là pour moi l’essence du désir, puisqu’on peut désirer boire sans avoir soif, non forcément parce qu’on serait alcoolique et qu’on manquerait d’alcool, mais parce que ce qu’on va nous servir à boire (un café, un grand vin, un jus de fruit, un verre d’eau...) est pour nous cause de plaisir ou de joie. Le nirvâna est du côté de l’extinction de la soif, donc de la disparition du manque. Mais on se tromperait du tout au tout si on voulait pour autant supprimer le désir. Si j’ai raison de penser que le manque n’est pas l’essence du désir mais son accident, supprimer le manque c’est au contraire revenir à la positivité du désir lui-même, c’est-à-dire à cette pure puissance d’exister, d’agir et de jouir, en tant qu’elle ne manque de rien. Ma lecture du bouddhisme - dont je ne suis pas un spécialiste, mais sur lequel j’ai essayé de m’informer un peu sérieusement - est à l’opposé du nihilisme. Le Bouddha tente de nous faire comprendre comment on peut se libérer du manque, sans pour autant se libérer de ce que j’appelle le désir, disons de la puissance de vivre, ce qui reviendrait à mourir. La sagesse que je cherche est du côté de la vie, et non pas du côté de la mort. Si bien que le détachement est une espèce de conversion du désir, et cela dans la mesure même où le plus souvent nous ne savons désirer que ce qui nous manque - sur ce point, Platon a raison -, alors qu’au contraire la plénitude, qui est l’absence du manque, peut être vécue bien davantage dans le détachement. Si c’est le manque qui nous attache, il faut se libérer de cet attachement, donc du manque. Et pour ce faire, il s’agit non pas de supprimer tout désir, ce qui reviendrait à se suicider ou à tendre vers la mort, mais au contraire de convertir le désir pour obtenir qu’il ne soit plus dévoré par le manque, pour qu’il soit du côté de la puissance, de la jouissance, de l’action, de la joie - de la plénitude.
N. C. : N’a-t-on pas tendance aujourd’hui à se méprendre sur la doctrine bouddhiste du détachement et du désir.
A. C. -S. : La vraie logique du bouddhisme, telle que le non-spécialiste que je suis la perçoit, me paraît être du côté du détachement, de l’absence de manque, et donc d’une expérience de plénitude. Nos contemporains aimeraient bien avoir accès à cette plénitude, mais à la condition de ne pas renoncer à tout ce qui les fait courir. Ils veulent avoir et le manque et la plénitude, ce qui est impossible. On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière, comme on dit familièrement. On ne peut pas avoir le manque et la plénitude, l’attachement et le détachement. Le bouddhisme, comme la plupart des écoles de sagesse, est avant tout une thérapie du désir, qui suppose tout un travail sur soi, et on se trompe lourdement en imaginant qu’on puisse être quitte avec un tel travail en faisant deux ou trois heures de yoga par semaine ou en lisant quelques bouquins spécialisés. Plus essentiellement encore, le bouddhisme est avant tout une tentative pour se libérer de l’ego, du moi qui est une pure illusion...
N. C. : Une sorte de décréation bouddhiste...
A. C. -S. : Ou l’équivalent bouddhiste, en tout cas, de ce que Simone Weil appelle en effet la décréation... Alors que nos concitoyens ont tendance à utiliser le bouddhisme davantage pour conforter l’ego que pour le dissoudre. D’où le contresens à propos de la réincarnation : dans le bouddhisme, c’est une pensée qui vise à mettre le moi à distance (pourquoi te préoccuper de ton ego, puisque tu n’étais pas cet ego-là dans ta vie précédente, puisque que tu ne seras pas cet ego-là dans ta vie ultérieure, puisque l’ego n’a qu’une existence impermanente et illusoire ?).
En Occident, on a tendance à récupérer cette pensée anti-égoïque de la réincarnation pour en faire un renforcement narcissique de l’ego, sur le mode (pour reprendre une formule de Folon) : “Un type comme moi ne devrait jamais mourir !” Mon petit moi est formidable ; ce serait vraiment atroce de le perdre... Heureusement, le bouddhisme m’apprend que je vais le retrouver dans une autre vie... Eh bien non ! Dans une autre vie, ce ne sera pas moi, ce sera un autre moi, tout aussi illusoire et impermanent que celui que je suis, ou que je crois être, en ce moment !

Le désir est une espérance

N. C. : Revenons à cette idée de détachement... Qu’elle peut être la part de l’exercice dans sa réalisation ? N’avons-nous pas affaire ici à des sagesses éminemment pratiques ?
A. C. -S. : Pour montrer que le désir est l’unique force motrice, Aristote, avec son génial bon sens, remarque dans le De Anima que la raison sans désir est incapable de faire agir quiconque, alors que le désir sans raison y parvient fort bien... Certes, on peut parfois agir raisonnablement, mais c’est parce que le désir mobilise la raison. Le désir, quand il n’est pas manque, est essentiellement deux choses : volonté ou amour. La différence entre l’espérance et l’amour, c’est que l’espérance est un désir qui porte sur l’irréel, alors que l’amour est un désir qui porte sur le réel. La différence entre l’espérance et la volonté, c’est que l’espérance est un désir dont la satisfaction ne dépend pas de nous - pour parler comme les stoïciens -, alors que la volonté est un désir dont la satisfaction dépend de nous. Si bien que cette conversion du désir, dont je vous parlais (à quoi se ramènent les exercices que vous évoquiez, mais à quoi se ramène en général la démarche de sagesse), consiste essentiellement à apprendre à aimer et à vouloir. Plutôt que de rester obsédé par ce qui nous manque et qui ne dépend pas de nous, plutôt que d’être toujours dévoré par la nostalgie ou l’espérance, apprenons plutôt à désirer ce qui ne nous manque pas, c’est-à-dire à aimer, apprenons plutôt à désirer ce qui dépend de nous, c’est-à-dire à vouloir et à agir. Les exercices de sagesse - en particulier dans la tradition cynique, qui m’est si chère - consistent justement à nous apprendre à vouloir. Quand Diogène va enlacer une statue gelée par un froid matin d’hiver, ce n’est pas parce qu’elle lui manque, mais pour se prouver qu’il dépend de lui de surmonter la douleur ou l’extrême inconfort, et qu’en ce sens c’est bien un désir qu’il exerce, ce qu’Aristote appellerait une puissance motrice.

La sagesse, un sevrage réussi

Le désir est l’essence même de l’homme. Mais le plus souvent nous ne savons désirer que ce qui nous manque, autrement dit, pour reprendre des concepts d’allure freudienne, nous sommes dévorés par la nostalgie du bon objet, de la bonne étoile, comme nous pousserait à dire l’étymologie que vous évoquiez en commençant, mais nous savons bien qu’il s’agit moins d’une étoile que d’un sein... Nous avons connu le bon objet, celui qui comblait le manque, et on nous l’a retiré, et il nous manque, si bien que nous ne cessons, durant toute notre vie adulte, de courir après un sein perdu ! C’est une course qui est vouée à l’échec, d’abord parce que nous ne retrouverons jamais le sein perdu, ensuite parce que, tant que nous ne savons désirer que ce qui nous manque, si nous trouvons ponctuellement un bon objet qui supprime le manque, dès lors que nous avons cet objet nous ne le désirons plus, puisqu’il ne nous manque plus, et déjà nous nous ennuyons...
À quoi bon courir toujours après un sein, quand le monde entier est là qui se donne à connaître, à aimer, à transformer ? Le bon objet manquera toujours, le monde ne manque jamais. Convertir le désir, c’est le convertir au monde, au réel : passer du désir à la considération, pour reprendre là encore l’étymologie que vous évoquiez, ou plutôt, comme je préférerais dire, passer du manque (nostalgie, espérance) à la puissance, autrement dit à l’attention et à l’amour. Considérer vraiment, c’est être attentif ou aimant. Tant que le désir est manque, sa logique ultime c’est de désirer ce qui manque absolument : Dieu, ou ce que Platon appelle le Bien en soi. De même chez Sartre, si l’homme est fondamentalement manque d’être, alors il est de l’essence de l’homme, comme le dit expressément L’Être et le Néant, de désirer être Dieu. Si au contraire le désir n’est pas manque, sa logique ultime n’est pas de tendre vers ce qui manque absolument, mais de tendre vers ce qui ne manque jamais, à savoir tout, que l’on peut appeler le monde, la nature, l’être ou le réel... Convertir le désir, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire le retourner - mais pour le remettre à l’endroit ! -, c’est passer du manque (du sein ou de Dieu) à la puissance (de jouir et d’agir). Il s’agit de terminer le sevrage, de grandir enfin, de devenir adulte. La sagesse, d’une certaine manière, n’est pas autre chose qu’un sevrage réussi. D’aucuns voudraient nous faire croire qu’un sevrage réussi consisterait à s’enfoncer dans la résignation... C’est tout le contraire. C’est une fois que le sevrage est réussi qu’on peut aimer vraiment quelqu’un d’autre.

*Source: Nouvelles Clés
… (lisätietoja)
 
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Joop-le-philosophe | 1 muu arvostelu | May 11, 2021 |
A useful if routine run-through of some of the key Western insights into philosophical ideas. Comte-Sponville refers to his short book as "a primer… one among the hundreds of doors into philosophy" (pg. xii) and gives brief, simply-written chapters on abstract ideas like 'Love', 'Knowledge', 'Freedom' and 'Death'. Some ('Ethics', 'Art', 'Humanity') are more thought-provoking than others ('Atheism', 'Time'), but all can be said to be useful first-steps into the topics. I often wanted the author to expand upon them, but recognised this would be beyond the remit of the book.

Comte-Sponville has his own opinions, of course, but he is first and foremost a teacher, and summarises the thinking of great men quite well (Spinoza, Kant and Montaigne seem to be referred to most often). He nevertheless provides the occasional flourish of his own – "What is essential is to prove that we are not unworthy of what humanity has made of itself" (pg. 10) – and the book as a whole is a decent starting-gun into exploration of "the art of reason" that "leads to the art of living" (pg. xv).
… (lisätietoja)
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MikeFutcher | 3 muuta kirja-arvostelua | Mar 20, 2021 |

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